ANTOINE BAUZA

freelance game designer, writer, creative consultant

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7 Wonders, récapitulatif

Je vais tenter de rassembler dans cet article l’ensemble des informations relatives à 7 Wonders. N’hésitez pas à ajouter vos liens dans les commentaires de cet article. Merci !

Présentations, Explications

Fiches, Avis, Critiques

Stratégie

Génèse

Voilà les liens vers les sept parties de la genèse du jeu (une partie de ces articles a été traduite sur Boardgamenews) :

  1. Genèse Première partie (premier concept)
  2. Genèse Deuxième partie (deuxième concept)
  3. Genèse Troisième partie (premier playtest)
  4. Genèse Quatrième partie (développement & illustrations)
  5. Genèse Cinquième partie (modification du militaire)
  6. Genèse Sixième partie (derniers réglages)
  7. Genèse Septième partie (bilan & chiffres)

Photographies

Essen 2010, stand presse

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Hanabi & Ikebana

Un lecteur m’a récemment fait remarquer, à juste titre, que je n’avais pratiquement pas parlé de Hanabi & Ikebana sur ce blog. C’est vrai que le jeu est assez confidentiel (il est seulement disponible sur le sol français à l’heure qu’il est), il mérite donc un peu plus d’attention de la part de son auteur…

Petite Histoire

S’il est paru dans le commerce en 2010, ce jeu de cartes est en fait l’une de mes toutes premières créations, remontant à l’époque où je sévissais encore dans le jeu de rôle (je me rappelle avoir testé la première version lors d’une convention rôliste avec mes compères de Ballon-Taxi. Nous présentions l’imposant pavé d’Exil…). En ces temps reculé, il n’y avait qu’un seul jeu, le compétitif qui s’appelle aujourd’hui Ikebanamais s’appelait à l’époque Hanabi (vous suivez ?). J’ai rencontré l’éditeur Caravelle sur cette convention. Il avait dans ses cartons un jeu de cartes (YinYang) et cherchait son projet suivant. Je lui ai présenté Hanabi, le jeu lui a plu… go !

Caravelle, c’était un tout petit éditeur, avec peu de moyens et donc peu de visibilité. En rentrant chez moi, je cherchais un moyen de distinguer mon petit jeu de cartes des dizaines d’autres petits jeux de cartes du marché. Mon matériel était assez standard (55 cartes numérotées et une poignée de jetons), faire un deuxième jeu devait donc être possible. Si Caravelle sortait une petite boite avec deux jeux en un, ça lui permettrait de nous démarquer de la concurrence. Ca me semblait une piste intéressante et ça constituait, en outre, un exercice de style intéressant. Quelques temps plus tard, je présentais Ikebana à Caravelle. Un deuxième jeu, toujours compétitif et toujours de combinaisons mais avec un mécanisme différent. L’idée fut chaleureusement accueillie : Hanabi & Ikebana, deux jeux colorés dans la même petite boite…

Malheureusement, Caravelle a fermé ses portes avant la parution du jeu… et juste après la parution de Nains & Jardins, ma dernière contribution au jeu de rôle. Le projet a donc sommeillé pendant plusieurs mois le temps pour moi de récupérer les droits du jeu….

Une bannière web que la graphiste avait réalisé à l'époque où le jeu devait sortir chez Caravelle...

C’est un autre petit éditeur, lui-aussi issu du jeu de rôle, qui s’est montré intéressé. Les XII Singes avaient à l’époque le projet d’ajouter une gamme de petits jeux de cartes à leur collection de jeu de rôle. Ils cherchaient des jeux dans le format d’Hanabi & Ikebana. Ils ont fait tourné le prototype dans leur cercle de joueur et Franck, le responsable, est revenu faire moi avec le constat suivant : « Ca nous plait mais les deux jeux sont trop proches dans leurs mécanismes. Si l’on veut revendiquer deux jeux dans une même boite, il faut que la différence entre les deux mécanismes soit beaucoup plus marquée. Est-ce que tu peux y réfléchir ? » Et donc j’y réfléchis…

Parfois, quand quelque chose coince dans un design, je déploie le prototype sur une grande table vide (et si possible propre…) et je manipule le matériel. C’est en me livrant à ce petit rituel que j’en suis venu à prendre quelques cartes en main tout en les tenant à l’envers, l’information tournée vers l’extérieur. Voilà qui me plaisait, il restait à en faire en jeu (gasp !). J’imaginais alors un jeu dans lequel chaque joueur tenait sa main de carte de cette façon et cherchait à recomposer des paires de même valeur en prenant une carte dans la main d’un adversaire et une carte dans sa propre main. Pour celà, il était en droit de demander une information sur sa main aux autres joueurs. Les tests ne furent pas concluants mais le principe des cartes à l’envers faisait l’unanimité, c’était déjà ça…

De retour à ma table de travail, je réfléchissais à un autre mécanisme mettant en jeu cette main de cartes… et je tournais en rond en grincant des dents… C’est à ce moment que ma femme est passée par-là et, me voyant renâcler sur mes cartes, a lâché, sur le ton de la conversation : « Et pourquoi tu ne fais pas un coopératif ? » Quel boulet ! Pourquoi je n’y avais pas pensé ? Evidemment qu’il me fallait faire un jeu coopératif, le système de cartes à l’envers si prêtait très bien ! Hop, les joueurs joueraient ensemble mais n’aurait pas connaissance de leur propre main de cartes. Il leur faudrait obtenir de l’information afin de jouer la bonne carte au bon moment dans l’objectif de recomposer les 5 suites colorées, des feux d’artifice. Retour en test, ça fonctionne, ça plait ! Retour chez les XII Singes : « un jeu compétitif, un jeu coopératif dans la même boite, nickel ! » C’est fois, c’était bon.

Thème & Graphisme

Le thème, feux d’artifice et composition florale, était présent dès les premiers prototypes et n’a pas changé. Hanabi & Ikebana sont certes des jeux abstraits mais les deux références thématiques expriment bien à la dualité des jeux (en japonais, on retrouve l’idéogramme fleur dans les mots feux d’artifices – Hana – et composition florale -Bana-). Le graphisme a été réalisé par ma femme, d’après des motifs traditionnel japonais mis en couleur par ses soins. Que ce soit chez Caravelle ou XII Singes, le budget illustration n’était pas très élevé et cette solution avait la vertu d’être économique et originale. Avec le recul, je m’aperçois que tout le monde n’a pas ma sensibilité pour ces motifs traditionnels mais, égoïstement, je m’en moque un peu ^^ C’était l’occasion de faire quelque chose un peu moins conventionnel…

Webographie

Errata

Une phrase a disparu des règles d’Hanabi (mea culpa… satané copier-coller) : quand une carte est jouée ou défaussée, le joueur doit la remplacer en en piochant une nouvelle. La plupart des joueurs le font instinctivement mais la règle n’apparait pas dans le livret :(

Tout Hanabi en une photo (Merci Cristian)

Syndrôme du grand frère ?

Il est intéressant de noter qu’Hanabi a presque complètement éclipsé son grand frère, Ikebana. Le premier est clairement plus original, en plus d’être coopératif. Ce phénomène était inévitable. Plusieurs personnes dans mon entourage (joueurs, éditeurs) auraient finalement préféré que Hanabi soit le seul jeu représenté dans la boite. C’est un peu dur pour Ikebana qui a quelques aficionados et sans lequel Hanabi n’aurait jamais vu le jour. Je suis curieux de connaître votre sentiment sur ce point…

Et maintenant ?

Malgré un petit tirage et une diffusion restreinte, Hanabi & Ikebana a trouvé son public et il est fort possible que le jeu bénéficie d’un deuxième tirage. A l’heure où j’écris ces lignes, l’éditeur est en train de contacter des distributeurs étrangers et le jeu devrait être plus facile à trouver pour les joueurs hors de l’hexagone… En attendant, bon jeu !

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Witty Pong

Image non contractuelle

Juin 2005… Si j’en juges à mes archives le premier prototype de Witty Pong (qui s’appelait alors Quick Pong) remonte à cette date. Je me souviens avoir tracé les premiers croquis en regardant Roland Garros. Le jeu était alors très différent de la version actuelle et, il faut bien l’avouer, très insatisfaisant (jouable uniquement à 2 et à 4 et surtout pas drôle pour deux sous !). C’est en Mai de cette année 2010 que j’ai décidé de retravailler ce vieux projet en retombant un peu par hasard sur le prototype alors que je faisais justement du tri dans mes vieux projets empoussiérés …

C’est le mois suivant (Juin pour ceux qui n’auraient pas suivi) que Bruno Cathala est passé à la maison, initialement pour travailler sur tout autre chose. A la fin d’une séance de design (harassante, évidemment), je lui ai montré le prototype en lui exposant le problème auquel j’étais confronté. Grand bien m’en a pris, car Bruno a rapidement trouvé la solution et débloqué la situation. Le jour suivant, nous avions un prototype prometteur !

C’est alors que nous menions les tests que My Witty Games nous a contacté pour nous présenter leur projet. Les mécanismes du jeu correspondaient à leurs critères et le thème était en pleine harmonie avec leur direction artistique. Deal :)

My Witty Game est une plateforme d’édition communautaire. Je ne vais pas entrer dans les détails ici, leur site explique tout ça de manière bien détaillée. Le fait est qu’il offre à tout chacun la possibilité de participer à l’édition de Witty Pong en investissant de l’argent (pas des milliers d’euros rassurez-vous, le ticket est à 15€) pour bénéficier des retombées de ce futur hit planétaire :) Bref, les auteurs n’ont jamais eu plus besoin des joueurs que maintenant :)

Si l’aventure vous intéresse, c’est par ici que ça se passe : My Witty Games

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7 Wonders : genèse (septième partie)


Bonus

Les habitués savent que, chez Repos Production, on aime bien dorloter ses joueurs en leur offrant des petits bonus, généralement pour célébrer la parution d’un nouveau jeu. 7 Wonders n’échappe pas à la règle puisqu’un « goodie » sera disponible pour le lancement du jeu, cet automne, lors du salon d’Essen. Afin de ne pas gâcher la surprise, je ne révélerai pas ici de quoi il s’agit mais sachez tout de même qu’il s’agit d’un élément jouable, testé et approuvé…

Bilan

Les réglages furent achevés au début du mois du Juillet 2010, onze mois après la première partie jouée et un peu plus de deux ans et demi après la première étincelle créative. Il doit s’agir de mon développement le plus court mais également le plus intense en terme de rythme. Cette durée relativement courte est le résultat de trois facteurs : la courte durée des parties (30 minutes), l’enthousiasme des testeurs (toujours prêts à remettre le couvert !) et l’implication de Repos Production dans le développement (ces types sont des grands malades !). J’ai arrêté de compter mes parties vers deux-cent, sans prendre en compte les parties d’observation, ni celles jouées sans moi par certains de mes testeurs. L’éditeur a certainement dépassé ce seuil de son côté… (et même temps, ils sont deux alors c’est de la triche !). 500 parties est une bonne estimation de ce qu’a représenté 7 Wonders en terme de développement.

Quelques chiffres

  • -1 : c’est la valeur des défaites militaires
  • 3 : c’est le nombre d’Âges (phases de jeu)
  • 7 : c’est les langues des règles (français, anglais, allemand, polonais, espagnol, finlandais, suédois)
  • 7 : c’est le nombre de ressources (Pierre, Bois, Minerai, Argile, Textile, Papyrus, Verre)
  • 7 : c’est le nombre de types de bâtiments
  • 7 : c’est le nombre de cartes dans les mains initiales
  • 7 : c’est le nombre de joueurs qui peuvent jouer simultanément au jeu
  • 7 : c’est le nombre de Merveilles, chacune disponible en 2 exemplaires
  • 8 : c’est la valeur en point de victoires du bâtiment civil le plus côté (Palace)
  • 8.3.5 : c’est l’identifiant de la version finale du prototype
  • 10 : c’est le nombre Guildes (cartes violettes)
  • 11 : c’est la durée, en mois, de développement du jeu
  • 30 : c’est la durée approximative d’une partie (en minutes)
  • 42 : c’est le nombre de jetons Conflit dans la boite (et la réponse à l’univers…)
  • 49 : c’est le nombre de joueurs que j’ai eu simultanément à 7 tables de jeu
  • 50 : c’est le nombre de pièces de monnaie dans la boite
  • 75 : c’est le nombre de bâtiments existants
  • 157 : c’est le nombre total de cartes dans la boite
  • 500 : c’est l’estimation du nombre de parties jouées pour développer le jeu
  • 777 : c’est le nombre de boites versions limitées qui seront disponibles à Essen
  • 2007 : c’est l’année de naissance du concept
  • 2010 : c’est de l’année de publication du jeu

Remerciements

Merci à tous les joueurs que j’ai croisé à une table de 7 Wonders lors de ces onze mois de développement ; ils ont tous contribué à bâtir cet édifice ludique ! J’espère avoir l’occasion de disputer une partie avec eux sur la version publiée dans un futur proche. Merci à tous ceux qui ont pris le temps de me lire et de partager leurs impressions sur ce blog (mes excuses pour les fautes d’orthographes, je n’avais pas de relecteur sous la main). Merci à Eric Martin qui a traduit cette série d’articles à destination des lecteurs anglophones. Merci enfin à Alexis qui a été d’une patience sans faille lors des nombreuses séances d’ajustements et de corrections sur l’ensemble du matériel de jeu.

La Boite

Chronologie de l'évolution de la maquette des cartes

Crédits

7 Wonders est un jeu publié par Repos Production et distribué par Asmodee (parution prévue pour le mois d’octobre 2010)

  • Auteur : Antoine Bauza
  • Développement : Cédrick Caumont & Thomas Provoost
  • Illustrateur : Miguel Coimbra
  • Mise en page : Alexis Vanmeerbeeck
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7 Wonders : genèse (sixième partie)

Derniers réglages

Les parties disputées lors des rencontres ludopathiques et lors du festival de Toulouse, en Avril 2010, confirmèrent la pertinence de cette huitième version : les reproches sur la gestion des conflits militaires et le calcul des points ne refirent pas surface, comme prévu. Dès lors, il ne restait qu’à peaufiner les micro-réglages, tous les petits paramètres invisibles ou presque :

– la répartition homogène des ressources dans les coûts de construction des bâtiments et des merveilles : un réglage qui a pris beaucoup plus de temps de prévu et qui m’a coûté quelques cheveux sur la tête. Le genre de tâche dont on sous-estime toujours la durée… Il y eut des modifications jusqu’à la toute dernière version du jeu, la 8.3.5, datée du 11 juillet 2010.

– les chaînages entre les bâtiments : certains chaînages n’était pas très logiques au niveau thématique et ont donc été modifiés afin de satisfaire le thème en plus du mécanisme. D’autres se révélaient intéressants vis-à-vis des coûts en ressources des bâtiments concernés (un bâtiment qui coûte 2xBois et qui permet de construire gratuitement un bâtiment qui coûte 2xBois + 1 papyrus n’est pas très intéressant).

– les noms des bâtiments : quelques noms de bâtiments ont changé ou fait leur apparition : le Panthéon, par exemple, est arrivé tardivement afin de satisfaire à un chaînage thématique : Autel -> Temple -> Panthéon. Le Sanitorium, que certains joueurs confondaient avec le Scriptorium, s’est transformé en Dispensaire pour couper couper à toute confusion (ce, à la demande de l’éditeur ; je l’aimais bien, moi, mon Sanitorium…). Les noms des cartes de production de matières premières ont été particulièrement épineux : il en existe quatorze différents dont six produisent deux ressources différents. Trouver des noms qui collent thématiquement aux ressources produites, qui ne soient pas (trop) anachroniques, et si possible bien différents au niveau lexical pour éviter les confusions ne fut pas aisé… Et je ne parle pas de la traduction de ces noms en allemand ou en polonais !

– la répartition des cartes en fonction du nombre de joueurs : dans 7 Wonders, le nombre de joueurs détermine le nombre de cartes utilisées lors de la partie. Chaque joueur débutant chaque âge avec une main de 7 cartes, il y a 49 cartes par Âge, dans une partie à 7 joueurs mais seulement 21 dans une partie à 3 joueurs. Cette formule a elle aussi amené son lot d’interrogations : il s’est rapidement avéré qu’à 3 joueurs, un bâtiment par Âge ne serait pas présent dans les cartes. Ce ne pouvait être un bâtiment chainé (sinon adieu le chaînage !), ce qui facilita le choix ; le bâtiment exclu fut toutefois l’objet de vives discussions internes… Plus anecdotique, une cinquantième carte fit tardivement son apparition à l’Âge III afin que même dans la configuration maximale (7 joueurs donc) une Guilde ne soit pas en jeu (aléatoirement)…

Panthéon

Tous ces petits petits réglages ont pris beaucoup beaucoup de temps, bien sûr, plusieurs parties venant confirmer ou infirmer chaque lot de modifications… J’ai passé trois journées dans les locaux belges de Repos Production en Mai et trois autres au début du mois de Juillet pour qu’on puisse les mener à bien efficacement… Des journées – et des nuits – passer à discuter et tester chaque point et chaque doute. Heureusement que la cafetière ne nous a pas fait faux-bond !

Et on peut y jouer à deux, dis ?

C’est à partir de la version 7.7 (Mars 2010) que j’ai commencé à réfléchir à une version 2 joueurs. Personnellement, je ne joue pas à deux et ce n’est pas un hasard si ma production ne comporte aucun titre exclusivement deux joueurs. Il apparaît cependant clairement que beaucoup de joueurs sont demandeurs et la question est régulièrement revenue à l’issue des parties de démonstration, sur les salons : « Peut-on y jouer à deux ? » Ce n’était pas initialement prévu mais cela constituait un exercice de game design intéressant… Retour à la table de travail !

Alors que je m’embourbais dans une première version peu convaincante, c’est Bruno Cathala, alors de passage à la maison pour travailler sur d’autres projets, qui m’a soufflé une piste intéressante après que je lui ai fait essayé le prototype. Bruno est un spécialiste du jeu à 2 et il a rapidement envisagé un mécanisme qui ne m’avait pas effleuré l’esprit : gérer un joueur neutre et sa main de cartes par l’intermédiaire d’une pioche de cartes dédiée.

J’ai présenté cette deuxième version à Repos Production mais ils n’ont pas été emballés. En effet, le jeu à deux faisait appel à un automate, un artifice de jeu qui n’a jamais remporté leur suffrage… Comme nous nous étions mis d’accord pour ajouter une version 2 joueurs seulement si elle satisfaisait tout le monde, elle n’a pas été retenue et je suis retourné à la case départ… Ou plutôt juste après la case départ, car je restais convaincu que le mécanisme soufflé par Bruno était une bonne « brique » pour bâtir cette version 2 joueurs.

Dans la version suivante, j’ai conservé ce mécanisme de pioche et j’ai d’abord ajouté une deuxième Cité neutre : les deux joueurs étaient assis côte-à-côte et les deux Cités neutres venaient fermer le cercle. Ainsi, chaque joueur avait d’un côté son adversaire et de l’autre une Cité neutre différente. Chaque joueur jouait alors pour sa propre Cité et pour celle située en face de lui. De cette façon, l’automate disparaissait ; chaque carte était mise en jeu par les joueurs. Cette version était très intéressante en terme de stratégie de jeu puisqu’elle offrait à chacun des joueurs l’opportunité de contrôler la cité neutre adjacente à son adversaire. En revanche, elle n’épargnait pas les neurones : gérer deux Cités simultanément dans un gameplay déjà basé sur la simultanéité entre les joueurs s’avérait délicat… Version finalement recalée (j’invite les cerveaux à l’essayer à l’occasion, car elle fonctionnait, mécaniquement parlant !).

4 Cités pour 2 joueurs, c’était trop, je repassais donc à 3 en conservant l’idée que cette Cité neutre était bien contrôlée par les joueurs et non pas par un automate. 2 joueurs pour 1 Cité neutre… il leur faudrait la jouer alternativement ! Évident ? Ca l’est toujours à postériori… Deux cartes furent ajoutées pour des raisons d’ergonomie (l’une indique quel joueur doit agir pour la Cité Neutre, l’autre comment les cartes sont échangées entre les deux adversaires) afin de faciliter cette gestion supplémentaire et alternative de la Cité Neutre. Cette version a remporté tous les suffrages, ouf ! Les aficionados du jeu en couple pourront satisfaire leurs envies sur une version officielle…

Carte Cité neutre (jeu à 2)

Carte Frontière (jeu à 2)

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7 Wonders : genèse (cinquième partie)

Jamais sept sans huit !

Avouons-le, j’aurais aimé que cette emblématique septième version du jeu soit la dernière. Elle tournait bien. Très bien même. Mes proches réclamaient leur « dose » à chacune de nos sessions ludiques, un signe très révélateur et résolument encourageant ! Certains se sont même fabriqués leur propre exemplaire du prototype afin de propager la bonne parole.

Le temps des événements ludiques printaniers était arrivé. Première sortie publique de la saison : les belgo-ludiques, durant lesquels 7 Wonders eut l’honneur d’être le jeu de la soirée ouverture des rencontres. Je me suis retrouvé à expliquer les règles du jeu à 7 tables rondes, chacune accueillant 7 joueurs et un prototype. Un excellent souvenir même si expliquer des règles à une pleine salle de joueurs impatients (et indisciplinés) restent une tâche ardue… Peu de temps après, ce sont les tables du « off » du Festival international des jeux de Cannes que le prototype a hanté. Un grand nombre de parties ont été jouée durant ces quelques jours, chacun y allant de sa petite impression et/ou de sa petite idée.

Si j’ai participé à plusieurs de ces parties, j’ai également eu l’occasion d’être un « simple observateur » sur bon nombre d’autres. Avec l’expérience, je consacre beaucoup de temps à ces parties d’observation. Assister à une partie sans jouer change complètement la perspective. On ne remarque pas du tout les mêmes choses, on réalise que des points évidents deviennent retors quand on n’est plus là pour les expliciter. Et c’est lors de ces parties d’observation que deux tâches sombres sont venues obscurcir le design de cette septième version…

Ces deux points insatisfaisants ont été clairement mis en lumière par la soixante de parties jouées lors du Alan Moon Gathering of Friends, une convention américaine où se rendent régulièrement les deux lascars de Repos Production. J’ai étudié les retours des joueurs sur les forums de BoardGameGeek, bien chaud depuis la France : une nouvelle moisson de retours très encourageants mais également quelques critiques vis-à-vis des problèmes que je pensais avoir remarqué précédemment. Voilà qui confirmait donc mes craintes.

Ces différents retours, issus de publics différents dans des conditions différentes, convergeaient pour pointer du doigt deux problèmes :

  1. la gestion des conflits militaires
  2. le calcul des points en fin de partie

Jusqu’à la version 7, le militaire fonctionnait ainsi : durant la partie, les joueurs construisaient des bâtiments qui ont une puissance militaire, représentée par des icônes boucliers : les bâtiments de la première phase possédaient un seul bouclier, ceux de la deuxième phase possédaient deux boucliers et ceux de la troisième phase, trois boucliers. À la fin de la partie, chaque joueur comparait sa puissance militaire (c’est-à-dire la somme des boucliers présents sur ses bâtiments) à celles de ses deux voisins : si un joueur était plus fort que son voisin, il marquait autant de points que la différence en boucliers. S’il était plus faible, il perdait autant de points que la différence en boucliers. Ce système pouvait entraîner une grosse pénalité de points pour le joueur qui se trouvaient entre deux voisins belliqueux. Cette pénalité pouvait lui coûter la partie, ce qui ne me dérangeait pas outre mesure. En revanche, un joueur lancé dans une stratégie très militaire gagnait très difficilement tout en handicapant sévèrement ses voisins, les privant parfois de la victoire au profit d’un autre joueur (lui hors de portée de cet Alexandre le conquérant). Une sorte de king-making propre au système en « triangle » de 7 Wonders.

Le deuxième reproche concernait le calcul des points de victoire, à la fin de la partie. Pour calculer son score à 7 Wonders il faut additionner plusieurs types de points : ceux des bâtiments civils, ceux des bâtiments scientifiques, ceux de la merveille, ceux du trésor restant et parfois ceux des certains bâtiments commerciaux et guildes. Si on exclue le militaire il s’agit d’une addition, pas très complexe, dont le total dépasse rarement soixante. Rien de bien méchant. Après une première partie, la plupart des joueurs la faisait naturellement. Seulement le militaire obligeait à faire, en amont, une double différence entre son nombre de boucliers et ceux des joueurs voisins. Un calcul mental qui compliquait un peu la chose (souvent un joueur perdait le résultat de cette double-différence pendant qu’il effectuait son addition élémentaire).

Le point positif dans tout ça, c’est que les deux problèmes étaient liés. 7 Wonders est un jeu aux règles simples : il eut été regrettable que cette simplicité de jeu soit gâchée par un calcul de score alambiqué… Retour à la table de travail.

Eurêka !

Très rapidement, je suis arrivé à une solution. Voilà le document que j’ai envoyé chez Repos Production pour la leur expliquer :

Gestion des conflits militaires (v8.0)

L’énorme avantage de cette version, outre qu’elle simplifiait naturellement le calcul des points de victoire, c’est qu’elle permettait une plus grande richesse stratégique. Désormais, il était possible de dominer ses voisins lors de la première manche, de se faire passer devant lors de la deuxième et de reprendre la tête (ou pas !) lors de la troisième manche. Notez que, dans la première version de ce nouveau mécanisme, les boucliers rapporteraient chacun 1 point de victoire, un gain qui sera abandonné lors des parties de test qui suivirent…

J’étais convaincu par cette modification avant même le premier test. Voilà donc une huitième version du prototype dans les starting-blocks. Mon travail se situerait maintenant au niveau de la valeur des jetons et là, une bonne cinquantaine de nouvelles parties seraient la clé. De 2,4,7 points les victoires et -1, -2, -3 points les défaites, je suis arrivé à 1,3, 5 points les victoires et -1 pour toutes les défaites… La modification a bien sûr eu quelques retombées sur d’autres éléments du jeu : coûts et répartition des bâtiments militaires, guilde des stratèges.

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7 Wonders : genèse (quatrième partie)

Le temps de laisser tomber la fièvre d’Essen et le travail sur mon prototype reprenait. L’éditeur trouvé, je n’avais pas d’énergie à dépenser de ce côté-là, toute mon attention se focalisait donc sur le développement. Question développement justement, les belgo-mexicains de Repos en connaissent un rayon et ils n’ont pas tardé à mettre les mains dans le cambouis.

Mettez m’en deux tranches !

Leur première demande de développement concernait les merveilles. Chacune ayant son plateau et un plateau étant par nature double-face, ils m’ont demandé de mettre au point une version alternative de chaque Merveille. Bien sûr… J’aurais dû m’en douter… Pourquoi ? Parce qu’ils m’avaient déjà fait le coup une première fois avec Ghost Stories, pour les pouvoirs de Taoïstes. Notez que, désormais, je présente plus de prototypes à Repos Production avec des faces de plateaux non exploitées. Voilà donc la nouvelle modification majeure du prototype (v6.0) : une version alternative des Merveilles. J’en profitait pour amener des effets nouveaux et un peu plus techniques. Le jeu proposerait une face « facile » et une autre plus « technique ». Elles devraient cependant rester de puissance équivalente afin que les joueurs puissent choisir leur côté de plateau indépendamment de leurs petits camarades de jeu.

La deuxième modification majeure concernait les bâtiments scientifiques et la manière dont ils permettraient de marquer des points. Jusqu’à la version 7.0 en effet, le nombre de points de victoire octroyés par ces bâtiments correspondait à leur nombre élevé au carré (4 bâtiments scientifiques : 16 points) : le problème avec cette règle, c’est que la stratégie scientifiques n’était rentable que si le joueur parvenait à en construire beaucoup (au moins 5). En construire moins n’étant pas rentable, même pour bénéficier des constructions gratuites associées. Cet aspect « tout ou rien » rendait la stratégie scientifique trop limitée.

La Repos Team était d’accord avec mon analyse, je reprenais donc mon crayon et mon carnet pour réfléchir à une amélioration. La réponse était simple et se résumé à un chiffre. 7 ? Ah non, pas cette fois-ci. 3. Trois domaines scientifiques firent leur apparition, de manière équitable, sur l’ensemble des bâtiments scientifiques (c’est d’ailleurs à ce moment que le douzième et dernier bâtiment scientifique, l’étude, fit son apparition pour permettre que chacun des trois domaines sont représenté à travers quatre bâtiments). La règle du carré demeurait présente mais elle concernait désormais chaque domaine de manière individuel. La deuxième façon de marquer des points venait s’y ajouter : une famille de trois bâtiments issus de domaine scientifiques différents rapporteraient un bonus de points : 7 (le retour !).

Ainsi les stratégies scientifiques s’enrichissaient : il était toujours possible d’en jouer beaucoup pour marquer un maximum de points au détriment des autres domaines mais il était également possible de construire seulement un bâtiment de chaque domaine pour 10 points ou bien construire les 4 bâtiments d’un même domaine, ceux-ci s’enchaînant gratuitement et ouvrant une gratuité supplémentaire. Cette modification fut adoptée rapidement, à l’unanimité des testeurs et de l’éditeur (mon argument imparable pour avoir le droit d’être casse-pieds !).

Cette deux modifications importantes ont cependant exigé beaucoup moins d’énergie que les réglages fins des cartes : ajuster les coûts bâtiments en ressource, les échelles de valeurs des points de victoire, les chaînages entre bâtiments et la répartition des cartes en fonction du nombre de joueurs fut un véritable casse-tête…

Miguel Coimbra

En parallèle de la poursuite du développement, j’ai commencé à parler de l’aspect graphique du futur jeu avec Cédrick et Thomas. Nous nous connaissions bien, ils savaient donc que j’étais autant attaché à l’aspect visuel de mes jeux qu’ils l’étaient au développement des leurs.

Miguel Coimbra s’était illustré (sans mauvais jeux de mot) récemment grâce à son travail sur SmallWorld et Cyclades. J’avais lorgné du côté de son site web et j’accrochais terriblement à son trait. La Repos Team a exaucé mes souhaits et ce, sans que j’eus besoin de recourir aux vidéos compromettantes filmés dans les soirée off d’Essen. Tant mieux, elles me serviront pour un prochain jeu ;o) Je n’ai pas eu à insister auprès des grands patrons : ils m’annoncèrent rapidement que Miguel embarquait pour l’aventure. Je m’étendrais pas sur les illustrations qu’il a produites. Plusieurs circulent déjà sur la toile. Bien assez pour chacun puisse se forger son opinion. Personnellement, je me contenterai d’un « Wow ! » 7 Wonders. Il m’est difficile d’être complètement objectif mais j’ai le sentiment que le travail qui a réalisé pour 7 Wonders est encore meilleur que ces travaux ludiques précédents.

Je n’ai pas été en contact avec Miguel directement, excepté le petit mail que je lui ai envoyé pour le féliciter pour son travail. Cédrick, qui gère les illustrateurs chez Repos Production, me faisait suivre toutes les esquisses et nous déterminions ensemble leur adéquation avec notre vision du jeu. Quelques bâtiments ont été modifiés ou sont apparus vers la fin du développement, entraînant la commande de quelques illustrations supplémentaires au pied levé ! À l’inverse, une ou deux illustrations ne figureront pas dans la boite…

7 Wonders : Pyramids (M.Coimbra)

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