ANTOINE BAUZA

freelance game designer, writer, creative consultant

Hanabi & Ikebana

Un lecteur m’a récemment fait remarquer, à juste titre, que je n’avais pratiquement pas parlé de Hanabi & Ikebana sur ce blog. C’est vrai que le jeu est assez confidentiel (il est seulement disponible sur le sol français à l’heure qu’il est), il mérite donc un peu plus d’attention de la part de son auteur…

Petite Histoire

S’il est paru dans le commerce en 2010, ce jeu de cartes est en fait l’une de mes toutes premières créations, remontant à l’époque où je sévissais encore dans le jeu de rôle (je me rappelle avoir testé la première version lors d’une convention rôliste avec mes compères de Ballon-Taxi. Nous présentions l’imposant pavé d’Exil…). En ces temps reculé, il n’y avait qu’un seul jeu, le compétitif qui s’appelle aujourd’hui Ikebanamais s’appelait à l’époque Hanabi (vous suivez ?). J’ai rencontré l’éditeur Caravelle sur cette convention. Il avait dans ses cartons un jeu de cartes (YinYang) et cherchait son projet suivant. Je lui ai présenté Hanabi, le jeu lui a plu… go !

Caravelle, c’était un tout petit éditeur, avec peu de moyens et donc peu de visibilité. En rentrant chez moi, je cherchais un moyen de distinguer mon petit jeu de cartes des dizaines d’autres petits jeux de cartes du marché. Mon matériel était assez standard (55 cartes numérotées et une poignée de jetons), faire un deuxième jeu devait donc être possible. Si Caravelle sortait une petite boite avec deux jeux en un, ça lui permettrait de nous démarquer de la concurrence. Ca me semblait une piste intéressante et ça constituait, en outre, un exercice de style intéressant. Quelques temps plus tard, je présentais Ikebana à Caravelle. Un deuxième jeu, toujours compétitif et toujours de combinaisons mais avec un mécanisme différent. L’idée fut chaleureusement accueillie : Hanabi & Ikebana, deux jeux colorés dans la même petite boite…

Malheureusement, Caravelle a fermé ses portes avant la parution du jeu… et juste après la parution de Nains & Jardins, ma dernière contribution au jeu de rôle. Le projet a donc sommeillé pendant plusieurs mois le temps pour moi de récupérer les droits du jeu….

Une bannière web que la graphiste avait réalisé à l'époque où le jeu devait sortir chez Caravelle...

C’est un autre petit éditeur, lui-aussi issu du jeu de rôle, qui s’est montré intéressé. Les XII Singes avaient à l’époque le projet d’ajouter une gamme de petits jeux de cartes à leur collection de jeu de rôle. Ils cherchaient des jeux dans le format d’Hanabi & Ikebana. Ils ont fait tourné le prototype dans leur cercle de joueur et Franck, le responsable, est revenu faire moi avec le constat suivant : « Ca nous plait mais les deux jeux sont trop proches dans leurs mécanismes. Si l’on veut revendiquer deux jeux dans une même boite, il faut que la différence entre les deux mécanismes soit beaucoup plus marquée. Est-ce que tu peux y réfléchir ? » Et donc j’y réfléchis…

Parfois, quand quelque chose coince dans un design, je déploie le prototype sur une grande table vide (et si possible propre…) et je manipule le matériel. C’est en me livrant à ce petit rituel que j’en suis venu à prendre quelques cartes en main tout en les tenant à l’envers, l’information tournée vers l’extérieur. Voilà qui me plaisait, il restait à en faire en jeu (gasp !). J’imaginais alors un jeu dans lequel chaque joueur tenait sa main de carte de cette façon et cherchait à recomposer des paires de même valeur en prenant une carte dans la main d’un adversaire et une carte dans sa propre main. Pour celà, il était en droit de demander une information sur sa main aux autres joueurs. Les tests ne furent pas concluants mais le principe des cartes à l’envers faisait l’unanimité, c’était déjà ça…

De retour à ma table de travail, je réfléchissais à un autre mécanisme mettant en jeu cette main de cartes… et je tournais en rond en grincant des dents… C’est à ce moment que ma femme est passée par-là et, me voyant renâcler sur mes cartes, a lâché, sur le ton de la conversation : « Et pourquoi tu ne fais pas un coopératif ? » Quel boulet ! Pourquoi je n’y avais pas pensé ? Evidemment qu’il me fallait faire un jeu coopératif, le système de cartes à l’envers si prêtait très bien ! Hop, les joueurs joueraient ensemble mais n’aurait pas connaissance de leur propre main de cartes. Il leur faudrait obtenir de l’information afin de jouer la bonne carte au bon moment dans l’objectif de recomposer les 5 suites colorées, des feux d’artifice. Retour en test, ça fonctionne, ça plait ! Retour chez les XII Singes : « un jeu compétitif, un jeu coopératif dans la même boite, nickel ! » C’est fois, c’était bon.

Thème & Graphisme

Le thème, feux d’artifice et composition florale, était présent dès les premiers prototypes et n’a pas changé. Hanabi & Ikebana sont certes des jeux abstraits mais les deux références thématiques expriment bien à la dualité des jeux (en japonais, on retrouve l’idéogramme fleur dans les mots feux d’artifices – Hana – et composition florale -Bana-). Le graphisme a été réalisé par ma femme, d’après des motifs traditionnel japonais mis en couleur par ses soins. Que ce soit chez Caravelle ou XII Singes, le budget illustration n’était pas très élevé et cette solution avait la vertu d’être économique et originale. Avec le recul, je m’aperçois que tout le monde n’a pas ma sensibilité pour ces motifs traditionnels mais, égoïstement, je m’en moque un peu ^^ C’était l’occasion de faire quelque chose un peu moins conventionnel…

Webographie

Errata

Une phrase a disparu des règles d’Hanabi (mea culpa… satané copier-coller) : quand une carte est jouée ou défaussée, le joueur doit la remplacer en en piochant une nouvelle. La plupart des joueurs le font instinctivement mais la règle n’apparait pas dans le livret :(

Tout Hanabi en une photo (Merci Cristian)

Syndrôme du grand frère ?

Il est intéressant de noter qu’Hanabi a presque complètement éclipsé son grand frère, Ikebana. Le premier est clairement plus original, en plus d’être coopératif. Ce phénomène était inévitable. Plusieurs personnes dans mon entourage (joueurs, éditeurs) auraient finalement préféré que Hanabi soit le seul jeu représenté dans la boite. C’est un peu dur pour Ikebana qui a quelques aficionados et sans lequel Hanabi n’aurait jamais vu le jour. Je suis curieux de connaître votre sentiment sur ce point…

Et maintenant ?

Malgré un petit tirage et une diffusion restreinte, Hanabi & Ikebana a trouvé son public et il est fort possible que le jeu bénéficie d’un deuxième tirage. A l’heure où j’écris ces lignes, l’éditeur est en train de contacter des distributeurs étrangers et le jeu devrait être plus facile à trouver pour les joueurs hors de l’hexagone… En attendant, bon jeu !

posted by toinito in Game designJeu de société and have Comments (4)

4 Responses to “Hanabi & Ikebana”

  1. beri dit :

    Hanabi est vraiment exceptionnel, également dans ce sens qu’il ne ressemble à aucun autre.
    Au passage, je suis ravi que tu parles de Caravelle, car ce petit éditeur n’a édité qu’un seul jeu de société, Yin&Yang. Et ce même Yin&Yang, totalement inconnu, d’un éditeur archi discret, a été l’un de mes premiers coups de cœur et est probablement l’un des responsables de ma passion d’aujourd’hui.

    Et dire que cet éditeur-là a failli éditer Hanabi… Ca l’aurait peut-être remis à flot ! :)

  2. Ghislain dit :

    Petite question sur Hanabi, les dos des cartes ne sont pas symétriques. Est-ce volontaire ? Est-ce qu’il faut (qu’on peut) s’en servir comme aide mémoire ?

  3. […] Note: Antoine Bauza has written on the history of Hanabi on his blog and in the book Boardgames that Tell Stories.  He answered a few questions for this article, for […]

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