ANTOINE BAUZA

freelance game designer, writer, creative consultant

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7 Wonders : genèse (deuxième partie)

La première partie de cet article se trouve ici : 7 Wonders : genèse (première partie)

Proto sans issue !

Malheureusement, avant même que les fichiers de ce premier prototype soit prêts à faire la connaissance de ma fidèle imprimante, j’entrevoyais plusieurs problèmes :

  1. La simultanéité des actions allait poser un soucis lorsque plusieurs joueurs termineraient la construction de leur merveille lors du même tour, ce qui ne manquerait pas d’arriver étant donné que les merveilles n’étaient composées que de trois étapes. Des soucis similaires allaient survenir dans la gestion des personnages (Qui allait appliquer son effet le premier ?). Il faudrait ajouter un ordre sur les cartes, ce qui n’empêcherait pas deux joueurs assis côte-à-côte de jouer la même carte. Bref, je voyais déjà arriver les grosses rustines disgracieuses qui seraient irrémédiablement nécessaires au fonctionnement de l’ensemble…
  2. En réunissant le matériel, un second point me chiffonna : je disposais d’une importante quantité de ressources (au sens matériel du terme) uniquement destinées à mettre en jeu une Merveille composée de 3 malheureuses petites cartes ; un important déséquilibre entre les moyens et l’objectif. Ce point-là n’était pas forcément rédhibitoire mais il allait clairement nuire à la dimension narrative du jeu. On allait passer beaucoup de temps à manipuler des petits morceaux de bois et très peu à bâtir une splendeur architecturale !
  3. Avec le recul, j’identifie un troisième point qui m’a certainement freiné plus ou moins consciemment : le choix secret d’un personnage. C’est un mécanisme qui a été maintes fois exploité et qui n’a, au final, que très rarement remporté mon adhésion.

Tout ceci fait que je n’ai jamais achevé ce prototype et qu’il n’a donc jamais été testé. Ces considérations de design m’ont découragé. J’ai archivé le dossier sur mon ordinateur, laissé tomber le projet pour basculer sur un autre (C’était en Juin 2008, j’ai commencé à travailler sur White Moon à ce moment-là).

Le retour de la revanche !

Le projet 7 Wonders (il a toujours porté ce nom) est resté en sommeil pendant un peu plus d’une année, jusqu’à l’été suivant, précisément au début du mois d’Août 2009. C’est malheureux pour la rédaction de cette série d’articles mais je ne me rappelle plus d’où est venue l’idée qui a débloqué la situation et exhumé le projet. Il me semble que j’ai beaucoup joué à Through the Ages cet été-là et que le thème de la civilisation et des Merveilles est revenu se promener dans mon cerveau…

Ce qui est sûr, c’est que toutes les briques se sont mises en place très rapidement à partir de là. Les pièces en bois et les personnages ont disparu au profit d’une série de bâtiments. Désormais, les joueurs développeraient une cité et plus seulement une merveille. Voilà qui tordait le coup à deux des trois points susmentionnés : adieu les personnages et bonjour le ratio plus alléchant entre les moyens et l’objectif. Les ressources pour la construction sont matérialisées par une partie des bâtiments et permettent de construire les autres bâtiments et les merveilles, elles mêmes toujours divisées en trois étapes. Huit ressources étaient disponibles dans la deuxième version du prototype (4 matières premières, 4 produits manufacturés). Seul l’or restait matérialisé par des pièces en bois.

Plusieurs types de bâtiments se profilaient déjà :

  • Les bâtiments civils qui rapporteraient des points de victoire, purement et simplement.
  • Les bâtiments scientifiques qui rapporteraient des points (il n’y avait alors qu’un seul symbole scientifique et plus un joueur en cumulait, plus il marquait un nombre de points important) et qui permettraient de construire certain bâtiments gratuitement, progrès de la science oblige.
  • Les bâtiments commerciaux rapporteraient de l’or, lequel permettrait d’acheter des ressources à ses voisins, car l’interaction avec les cités voisines était bien sûr toujours d’actualité !
  • Les bâtiments militaires détermineraient les rapports de force, toujours avec les cités voisines à la fin de la partie. Les cités les plus fortes prendraient des points de victoire aux cités voisines plus faibles.
  • Les guildes rapporteraient potentiellement une grand nombre de points en fonction des bâtiments en possession du joueur (du joueur seulement dans cette deuxième version du prototype ; en effet, l’interaction avec les cités voisines est apparue un peu plus tard…)

Le mécanisme d’obtention de ces cartes s’est présenté après leur propre définition. Je voulais un mécanisme qui ne soit pas lié à une pioche (Race for the Galaxy était sur toutes les lèvres de joueur à cette époque !). C’est là que le draft a montré le bout de son nez : il collait parfaitement au seul mécanisme conservé depuis le début du projet : l’interaction avec les deux joueurs voisins. Dans 7 Wonders, les joueurs étaient liés à leurs deux voisins de table, il était naturel de pousser cette interaction gauche-droite jusque dans l’obtention des cartes. La partie s’est divisée en 3 phases afin que le volume des mains de cartes ne soient pas trop importantes et que le sens de rotation du draft change durant la partie.

La deuxième version du prototype avait pris forme : une pioche de cartes représentant des bâtiments. Trois phases de jeu. Des mains de 7 cartes et du draft. Des ressources et des combinaisons de bâtiments. Les merveilles prenaient la forme d’un petit plateau individuel ; les joueurs pourraient placer une carte pour construire une étape et ainsi ne pas la transmettre à son voisin.

Contrairement au premier design, je ne voyais pas de nuages à l’horizon. J’étais impatient de tester ça. Cette fois mon imprimante avait des fichiers à ingérer !

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7 Wonders : genèse (première partie)

Sept ? Vous avez dit sept ?

Les soirées jeux, c’est super : on mange, on boit, on discute, on rigole et on joue avec un petit groupe de personnes qu’on apprécie. Mais des fois, on se retrouve à sept autour de la table… Si ça ne complique pas la tâche dans les domaines de la nourriture, de la boisson, de la discussion et du rire, ça corse un peu les choses pour le choix des jeux. Si on exclue les jeux dont la limite supérieure est 6 joueurs, il ne reste globalement que les très respectables jeux d’ambiance et quelques spécimens rares qui ont une fâcheuse tendance à s’éterniser quand ils sont joués à nombreux. Après un certain nombre de ces soirées, au demeurant forts agréables, j’ai commencé à réfléchir sur un jeu qui fonctionnerait pleinement à sept joueurs en gardant une durée de partie réduite.

Un thème éprouvé

Quelques temps plus tard, je suis tombé complètement par hasard sur un article de National Geographic consacré à l’élection des 7 nouvelles merveilles du monde… Les 7 Merveilles pour un jeu jouable à 7 joueurs, j’aurais du y penser immédiatement… J’avais mon thème. Bon, question originalité, ce n’était pas révolutionnaire, certes. Ceci dit, l’antiquité est un thème que j’ai toujours apprécié et que je n’avais jusqu’alors pas exploité. Bâtir une civilisation, c’est toujours grisant ! Les joueurs seraient donc chacun responsable de la construction d’une des célèbres merveilles de l’antiquité…

Premier concept…

À ce moment-là, je n’avais pas encore d’idée de mécanisme mais je disposais en revanche de deux contraintes fortes : sept joueurs à la table et une durée de jeu courte (mon objectif était alors de rester sous la barre des 45 minutes, idéalement 30 minutes). Pour satisfaire cette double contrainte, il y avait deux possibilités : soit un tour de jeu extrêmement court (c’est la solution adoptée dans Shadow Hunter) soit un tour de jeu simultané. Cette deuxième option avait clairement ma préférence, plus intéressante en terme de rythme et beaucoup moins exploitée.

Cette base concrète m’entraîna sur une première piste de gameplay : les joueurs disposeraient d’un ensemble de personnages, chacun associé à une action (obtenir des ressources, commercer, bâtir). Ils devraient les utiliser au mieux pour construire leur merveille respective, étape par étape. Le premier joueur à achever son édifice remporterait la partie. La principale interaction se situerait au niveau des deux voisins de table de chaque joueur. En effet la qualité de l’action entreprise (quantité de ressource obtenue) dépendrait directement des personnages choisis par les joueurs assis à gauche et à droite. Ainsi l’Artisan permettrait d’obtenir deux ressources : la quantité de le première était déterminé par le personnage du joueur de gauche et celle de la seconde ressource par le personnage du joueur de droite. Ainsi en analysant la stratégie de ses voisins, le joueur pourrait optimiser ses propres actions pour prendre de vitesse l’ensemble de ses concurrents. Cette interaction « en triangle » me séduisait. Elle reste aujourd’hui au coeur des mécanismes du jeu final.

Le tour de jeu était élémentaire : choix secret d’un personnage, révélation et action simultanée. Les parties devraient tenir dans la durée voulue. Les ressources (six différentes + l’or pour les échanges commerciaux) était matérialisés par de bon vieux morceaux de bois colorés, les personnages et les étapes de merveilles par des cartes. J’avais de quoi faire un premier prototype…

7 Wonders v1.0

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7 Wonders, vu par Miguel Coimbra

Quelques illustrations de 7 Wonders :

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