ANTOINE BAUZA

freelance game designer, writer, creative consultant

7 Wonders : genèse (sixième partie)

Derniers réglages

Les parties disputées lors des rencontres ludopathiques et lors du festival de Toulouse, en Avril 2010, confirmèrent la pertinence de cette huitième version : les reproches sur la gestion des conflits militaires et le calcul des points ne refirent pas surface, comme prévu. Dès lors, il ne restait qu’à peaufiner les micro-réglages, tous les petits paramètres invisibles ou presque :

– la répartition homogène des ressources dans les coûts de construction des bâtiments et des merveilles : un réglage qui a pris beaucoup plus de temps de prévu et qui m’a coûté quelques cheveux sur la tête. Le genre de tâche dont on sous-estime toujours la durée… Il y eut des modifications jusqu’à la toute dernière version du jeu, la 8.3.5, datée du 11 juillet 2010.

– les chaînages entre les bâtiments : certains chaînages n’était pas très logiques au niveau thématique et ont donc été modifiés afin de satisfaire le thème en plus du mécanisme. D’autres se révélaient intéressants vis-à-vis des coûts en ressources des bâtiments concernés (un bâtiment qui coûte 2xBois et qui permet de construire gratuitement un bâtiment qui coûte 2xBois + 1 papyrus n’est pas très intéressant).

– les noms des bâtiments : quelques noms de bâtiments ont changé ou fait leur apparition : le Panthéon, par exemple, est arrivé tardivement afin de satisfaire à un chaînage thématique : Autel -> Temple -> Panthéon. Le Sanitorium, que certains joueurs confondaient avec le Scriptorium, s’est transformé en Dispensaire pour couper couper à toute confusion (ce, à la demande de l’éditeur ; je l’aimais bien, moi, mon Sanitorium…). Les noms des cartes de production de matières premières ont été particulièrement épineux : il en existe quatorze différents dont six produisent deux ressources différents. Trouver des noms qui collent thématiquement aux ressources produites, qui ne soient pas (trop) anachroniques, et si possible bien différents au niveau lexical pour éviter les confusions ne fut pas aisé… Et je ne parle pas de la traduction de ces noms en allemand ou en polonais !

– la répartition des cartes en fonction du nombre de joueurs : dans 7 Wonders, le nombre de joueurs détermine le nombre de cartes utilisées lors de la partie. Chaque joueur débutant chaque âge avec une main de 7 cartes, il y a 49 cartes par Âge, dans une partie à 7 joueurs mais seulement 21 dans une partie à 3 joueurs. Cette formule a elle aussi amené son lot d’interrogations : il s’est rapidement avéré qu’à 3 joueurs, un bâtiment par Âge ne serait pas présent dans les cartes. Ce ne pouvait être un bâtiment chainé (sinon adieu le chaînage !), ce qui facilita le choix ; le bâtiment exclu fut toutefois l’objet de vives discussions internes… Plus anecdotique, une cinquantième carte fit tardivement son apparition à l’Âge III afin que même dans la configuration maximale (7 joueurs donc) une Guilde ne soit pas en jeu (aléatoirement)…

Panthéon

Tous ces petits petits réglages ont pris beaucoup beaucoup de temps, bien sûr, plusieurs parties venant confirmer ou infirmer chaque lot de modifications… J’ai passé trois journées dans les locaux belges de Repos Production en Mai et trois autres au début du mois de Juillet pour qu’on puisse les mener à bien efficacement… Des journées – et des nuits – passer à discuter et tester chaque point et chaque doute. Heureusement que la cafetière ne nous a pas fait faux-bond !

Et on peut y jouer à deux, dis ?

C’est à partir de la version 7.7 (Mars 2010) que j’ai commencé à réfléchir à une version 2 joueurs. Personnellement, je ne joue pas à deux et ce n’est pas un hasard si ma production ne comporte aucun titre exclusivement deux joueurs. Il apparaît cependant clairement que beaucoup de joueurs sont demandeurs et la question est régulièrement revenue à l’issue des parties de démonstration, sur les salons : « Peut-on y jouer à deux ? » Ce n’était pas initialement prévu mais cela constituait un exercice de game design intéressant… Retour à la table de travail !

Alors que je m’embourbais dans une première version peu convaincante, c’est Bruno Cathala, alors de passage à la maison pour travailler sur d’autres projets, qui m’a soufflé une piste intéressante après que je lui ai fait essayé le prototype. Bruno est un spécialiste du jeu à 2 et il a rapidement envisagé un mécanisme qui ne m’avait pas effleuré l’esprit : gérer un joueur neutre et sa main de cartes par l’intermédiaire d’une pioche de cartes dédiée.

J’ai présenté cette deuxième version à Repos Production mais ils n’ont pas été emballés. En effet, le jeu à deux faisait appel à un automate, un artifice de jeu qui n’a jamais remporté leur suffrage… Comme nous nous étions mis d’accord pour ajouter une version 2 joueurs seulement si elle satisfaisait tout le monde, elle n’a pas été retenue et je suis retourné à la case départ… Ou plutôt juste après la case départ, car je restais convaincu que le mécanisme soufflé par Bruno était une bonne « brique » pour bâtir cette version 2 joueurs.

Dans la version suivante, j’ai conservé ce mécanisme de pioche et j’ai d’abord ajouté une deuxième Cité neutre : les deux joueurs étaient assis côte-à-côte et les deux Cités neutres venaient fermer le cercle. Ainsi, chaque joueur avait d’un côté son adversaire et de l’autre une Cité neutre différente. Chaque joueur jouait alors pour sa propre Cité et pour celle située en face de lui. De cette façon, l’automate disparaissait ; chaque carte était mise en jeu par les joueurs. Cette version était très intéressante en terme de stratégie de jeu puisqu’elle offrait à chacun des joueurs l’opportunité de contrôler la cité neutre adjacente à son adversaire. En revanche, elle n’épargnait pas les neurones : gérer deux Cités simultanément dans un gameplay déjà basé sur la simultanéité entre les joueurs s’avérait délicat… Version finalement recalée (j’invite les cerveaux à l’essayer à l’occasion, car elle fonctionnait, mécaniquement parlant !).

4 Cités pour 2 joueurs, c’était trop, je repassais donc à 3 en conservant l’idée que cette Cité neutre était bien contrôlée par les joueurs et non pas par un automate. 2 joueurs pour 1 Cité neutre… il leur faudrait la jouer alternativement ! Évident ? Ca l’est toujours à postériori… Deux cartes furent ajoutées pour des raisons d’ergonomie (l’une indique quel joueur doit agir pour la Cité Neutre, l’autre comment les cartes sont échangées entre les deux adversaires) afin de faciliter cette gestion supplémentaire et alternative de la Cité Neutre. Cette version a remporté tous les suffrages, ouf ! Les aficionados du jeu en couple pourront satisfaire leurs envies sur une version officielle…

Carte Cité neutre (jeu à 2)

Carte Frontière (jeu à 2)

posted by toinito in Game designJeu de société and have Comments (3)

3 Responses to “7 Wonders : genèse (sixième partie)”

  1. rafpark dit :

    Au vu de la date on sent venir le dernier épisode de la saga ( surement 7 pour garder le format et le buzz :D ).
    En tout cas c’est très instructif sur la fabrication d’un jeu, les réglages, les petites idées qui arrivent, celles qui sotn gardées, d’autres jetées et le pourquoi .. .
    Bravo pour ça et vivement la sortie du jeu pour tester ça !

  2. Seboss dit :

    Je suis bluffé par la variante 2 joueurs. A tester bien sûr mais je suis assez enthousiaste là, jouant essentiellement à 2 joueurs.

  3. toinito dit :

    Je pense que Repos Production va mettre les règles en ligne d’ici quelques jours, là. Le mois de Septembre est presque là…

Place your comment

Please fill your data and comment below.
Name
Email
Website
Your comment

Get Adobe Flash player